N’avez-vous jamais eu l’impression que votre travail n’a aucun sens ? Que votre job ne vous comble pas et que vous ne savez pas pourquoi vous le faites ? Ou encore que vous vous sentiez inutile dans votre travail, et inutile pour la société ? Si c’est le cas, c’est que vous faites peut-être l’un des « bullshit jobs » souvent pointés du doigt en ce moment. C’est quoi ? Pourquoi on parle de ça en ce moment ? Et en quoi le bullshit job est un symptôme réel d’une société en train de couler ? On fait le point ensemble.
NB : je vous mets plusieurs vidéos dans l’article pour aller plus loin sur le sujet car nous allons traiter cela de manière succincte, je vous mettrai aussi des études tout au long et à la fin pour approfondir.
1. Qu’est-ce que c’est un bullshit job ?
D’abord, qu’est-ce qu’un bullshit job ? On pourrait le traduire par « travail à la con« . Mais, de quoi on parle ? En fait, un bullshit job, c’est un emploi qui n’a aucun sens, qui est absurde et qui n’apporte rien de concret à la société, un travail qui pourrait être remplacé facilement ou dont les tâches pourraient être faites sans avoir besoin d’un employé.
Le concept a été soulevé par une étude de David Graeber. L’anthropologue définissait les bullshit jobs comme « des tâches inutiles, superficielles et vides de sens effectuées dans le monde du travail », explique notre ami Wikipédia.
Dans une vidéo de Blast, que je vous mets dans l’article, cela se définit par une forme d’emploi rémunéré qui est « tellement complètement inutile, superflue » et même parfois nuisible, « que même le salarié ne peut en justifier l’existence, bien qu’il se sente obligé […] de faire comme si c’était le cas ».
Pour les sociologues, un bullshit job peut être à l’origine d’un burn out, de dépressions, mais aussi d’une forme de « démission intérieure« , appelée le « brown-out », qui fait que le salarié a envie de partir de son travail, sans le faire pour des raisons alimentaires, en raison de la perte de sens dans son emploi.

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2. Pourquoi les bullshit jobs sont de plus en plus nombreux ?
Depuis l’ère industrielle, tout est allé extrêmement vite dans votre société, comme le décrit très bien cette vidéo des Revues du monde. Pour schématiser, avant l’ère industrielle, les machines à vapeur et la voiture, les gens travaillaient pour faire des choses qui avaient plus ou moins de sens, pour produire des choses dont la société avait vraiment besoin.
L’ère industrielle fut un tournant car, depuis cette époque, ce fut la course à l’innovation et à la production.
Grâce aux machines, on pouvait produire davantage, c’était le début de la surproduction et de la surconsommation. Avec les voitures, on pouvait se rendre plus vite au travail, on pouvait avoir accès rapidement à de la nourriture dans les supermarchés. Et, le temps est aussi devenu de l’argent.
D’ailleurs, pendant les grèves dans les usines à cette époque, beaucoup d’employés cassaient les horloges. Car, depuis cette époque, la productivité et la rentabilité dans le temps sont devenus la norme. C’est d’ailleurs à cette époque que les horaires de travail sont devenus une norme aussi, car il fallait des horaires fixes dans les usines, pour que tout le monde soit à son poste à la même heure.
Puis, avec le temps, nous avons eu le téléphone portable qui a obligé tout le monde à répondre rapidement aux appels, les mails, internet qui a rendu l’information facile d’accès et l’achat encore plus simple, sans sortir de son canapé.
C’est allé très vite, trop vite. Mais, avec ces changements majeurs, le travail a aussi changé. L’humain a de nouveaux besoins, parfois inutiles et superflus, les entreprises qui proposent des services nouveaux se multiplient, et les jobs « à la con » aussi. Des bullshits jobs avec des gens qui travaillent pour ne rien produire ou pour faire des choses qui n’aident en rien la société.
La vérité, c’est qu’avec les machines, les humains n’ont plus besoin de travailler autant, mais comme nous continuons à vouloir produire toujours plus, il faut trouver des jobs qui n’ont pas de sens.
Il y a par exemple des gens engagés pour régler des problèmes qui ne devraient pas exister ou encore des gens qui travaillent 8 heures mais qui auraient pu finir leurs tâches en 2 heures. Il y a aussi les intermédiaires, ces emplois qui existent uniquement pour faire passerelle.

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3. Pourquoi vous avez BESOIN d’un travail qui a du sens
L’humain a besoin de sens pour vivre. Notre espèce est sociale et elle a aussi un esprit d’innovation ainsi qu’un esprit logique. C’est pour cela que l’humain est au sommet de la chaîne alimentaire (quand il est en groupe et quand il réfléchit).
Parce que nous avons domestiqué le feu, parce que nous avons été curieux, parce que nous avons expérimenté, parce que nous nous aidons tous les uns les autres pour la communauté.
Exemple actuel d’entraide : le boulanger me fait mon pain, je paie le boulanger pour qu’il continue à me faire mon pain. L’agriculteur fait le blé, qui sera ensuite de la farine, le boulanger transforme la farine. Je paie ce service, je contribue à ce qu’il continue. Et moi, dans mon métier, j’aide aussi mon prochain d’une certaine manière (par exemple si je suis médecin, psy, jardinier, etc), ainsi de suite.
Mais, je n’aide personne quand je fais un bullshit job. Je ne contribue pas à la société et à cette chaîne d’entraide. Le travail, comme l’explique cette vidéo de Blast ci-dessous, c’est le fait de « faire quelque chose dans le but de ». Sauf qu’il n’y a plus cette notion de faire quelque chose dans un but quand on parle de bullshit job.
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4. Exemples de bullshit jobs et exemples d’emplois qui ont du sens
Nous ne pouvons pas tous les citer car il y en a BEAUCOUP à notre époque. Et, d’ailleurs, certains placent certains métiers dans la catégorie « bullshit job », alors que d’autres pensent que ces mêmes métiers sont utiles et ont du sens.
Par exemple, où placeriez-vous le métier de vendeur ? Certains diront que le vendeur est utile car il faut bien vendre une production à quelqu’un. D’autres diront que le vendeur est un intermédiaire inutile car la production pourrait directement être vendue du producteur à l’acheteur.
Généralement, voici les jobs considérés comme utiles dans notre société (liste non exhaustive, il y en a beaucoup aussi) : médecin et autres métiers du médical (infirmier, aide-soignante, etc), la plupart des artisans (plombiers, maçons, jardiniers, boulangers, etc), les pompiers et forces de l’ordre, les agriculteurs et maraichers, les enseignants, les éboueurs, services des eaux, employés de centrales nucléaires, etc.
Parmi les bullshit jobs, par contre, nous pourrions trouver (selon la plupart des listes établies par les médias et études) : les consultants, les réceptionnistes, les coordinateurs, les jobs de gestion, les démarcheurs et commerciaux, les assistants administratifs… Mais aussi « les consultants RH, les responsables de communication, les avocats d’affaires, les lobbyistes… », cite alors Graeber dans son livre.
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5. Infos en vrac, citations, articles et études pour approfondir
- Cinq exemples de bullshit jobs, ces métiers absurdes.
- « La technologie a été manipulée pour trouver des moyens de nous faire travailler plus », disait David Graeber.
- Cette étude du CAIRN.
- « 37 % à 40 % des personnes interrogées aux UK ou aux Pays-Bas étaient convaincues que leur travail à plein temps n’apportait pas quelque chose d’important au monde », lit-on ici.
- Un REDDIT sur le sujet.
- « Ceux qui occupent ces boulots à la con, écrit-il encore, sont souvent entourés d’honneur et de prestige ; ils sont respectés, bien rémunérés (…). Pourtant, ils sont secrètement conscients de n’avoir rien accompli , (…), ils savent que tout est construit sur un mensonge », disait Graeber, comme relayé ici.
- Interview de Graeber ici.
- « Les mots les plus terrifiants de la langue anglaise sont : je suis du gouvernement et je suis là pour aider », disait Ronald Reagan.
- Ces métiers inutiles qui polluent le marché de l’emploi.

- Les catégories de bullshit jobs par Graeber, relayés par cet article : Les larbins (des personnes dont le travail consiste à rendre quelqu’un d’autre important, comme certains postes de secrétariat), les porte-flingues (des employés engagés pour défendre les intérêts d’une entreprise ou d’une personne, comme les lobbyistes, les télévendeurs, ou les avocats d’entreprise), les rafistoleurs (des employés qui s’occupent de problèmes créés par d’autres), les cocheurs de cases (des employés qui effectuent des tâches purement administratives qui pourraient être automatisées ou sont simplement là pour montrer que quelque chose est fait), les chefs (des superviseurs qui gèrent des équipes, souvent dans des organisations où les employés sont capables de fonctionner de manière autonome).
- Alienation Is Not ‘Bullshit’: An Empirical Critique of Graeber’s Theory of BS Jobs.
- Cet article de l’Université de Genève.
- Autre approche moins critique ici.
- Sens et impact au travail : adieu les bullshit jobs !
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