Le scandale des prix Goncourt est un sujet récurrent qui alimente débats et polémiques dans le monde littéraire. Il repose principalement sur l’idée que certains jurés favorisent les livres publiés par leurs propres maisons d’édition, ce qui pose des questions éthiques et remet en cause l’impartialité de ce prestigieux prix littéraire.
C’est quoi le prix Goncourt ?
Le prix Goncourt est sans conteste le Graal de la littérature française. Enfin, presque… Décerné chaque année depuis 1903, ce prix prestigieux récompense « le meilleur ouvrage d’imagination en prose » publié dans l’année.
Plus qu’un simple prix littéraire, il constitue un tremplin considérable pour les auteurs : un roman lauréat voit ses ventes exploser, passant souvent de quelques milliers d’exemplaires à plusieurs centaines de milliers.
Pourtant, derrière cette consécration se cache une ombre persistante : le soupçon que les jurés favorisent les œuvres publiées par leurs propres maisons d’édition, nourrissant ainsi des polémiques récurrentes sur l’impartialité du jury. Du favoritisme chez les jurés, vraiment ?
Comment fonctionne l’élection du lauréat ?
Le jury du prix Goncourt est composé de dix membres. Ces écrivains et critiques, souvent des figures influentes du milieu littéraire, se réunissent pour délibérer sur une sélection d’ouvrages issus d’une première « rentrée littéraire » particulièrement dense, avec plusieurs centaines de publications chaque automne.
Le choix du lauréat fait l’objet de délibérations étalées sur plusieurs mois, à travers des étapes successives qui restreignent la sélection à une « short-list » avant de couronner le grand gagnant en novembre, dans le célèbre restaurant Drouant à Paris. Mais ce processus a souvent été critiqué pour son opacité, et surtout pour les conflits d’intérêts flagrants qui semblent en découler.
Un grand conflit d’intérêt entre le prix et son jury ?
Le cœur du scandale réside dans la composition même du jury. En effet, bon nombre des jurés sont eux-mêmes des écrivains liés contractuellement à des maisons d’édition, souvent des mastodontes du secteur comme Gallimard, Grasset ou Albin Michel. Cette situation crée une proximité entre les jurés et les éditeurs, ce qui alimente les soupçons d’impartialité.
Prenons l’exemple du prix Goncourt 2021, attribué à La Plus Secrète Mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr, publié chez Philippe Rey.
Bien que ce choix ait été salué par la critique pour son audace et sa portée universelle, des observateurs ont souligné que plusieurs membres du jury avaient des liens indirects avec l’éditeur. Ce genre de situation n’est pas isolé et se répète presque chaque année.
En 2022, le prix a été attribué à Brigitte Giraud pour Vivre vite, publié chez Flammarion. Ce choix a également suscité des interrogations, car plusieurs jurés avaient des liens avec des maisons du même groupe d’édition. Cette situation ne signifie pas que l’œuvre primée manque de mérite, mais elle jette un doute sur la transparence du processus.
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Quelques chiffres très parlants sur le prix Goncourt
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis sa création, le prix Goncourt a majoritairement couronné des ouvrages publiés par de grandes maisons d’édition. Gallimard, par exemple, détient le record absolu avec près de quarante lauréats à son actif.
Grasset et Albin Michel ne sont pas loin derrière. Cette surreprésentation s’explique en partie par la puissance de ces groupes dans la promotion de leurs auteurs, mais elle pose aussi la question de l’accès des petites maisons d’édition à cette récompense.
Dans les faits, les éditeurs indépendants, souvent porteurs de voix originales et d’ouvrages audacieux, peinent à se faire une place. L’exemple de Tropique de la violence de Nathacha Appanah, publié par Gallimard dans sa filiale d’édition indépendante L’Olivier, est révélateur : bien qu’il ait été finaliste en 2016, il a été éclipsé par des œuvres issues des poids lourds du secteur.
Quid du prix Goncourt de 2024 ?
En 2024, le prix Goncourt a été attribué à l’écrivain franco-algérien Kamel Daoud pour son roman Houris. Peu après cette distinction, une controverse a éclaté. Pour cause, le livre a été publié chez Gallimard, un des poids lourds de l’édition française.
Ce choix, bien que largement salué pour ses qualités littéraires, a immédiatement déclenché une vague de critiques concernant de possibles conflits d’intérêts entre le jury et cette maison d’édition emblématique.
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Des propositions de réforme : vers une plus grande transparence ?
Face à ces critiques, certaines voix s’élèvent pour réclamer une réforme du fonctionnement du jury. Parmi les propositions, on retrouve par exemple celles-ci.
- Une limitation des liens éditoriaux des jurés. Certains suggèrent que les membres du jury ne puissent pas voter pour des œuvres publiées par leurs éditeurs ou ceux des groupes auxquels ils sont affiliés.
- Un renouvellement régulier du jury. Actuellement, les jurés sont élus à vie, donc ça limite le renouvellement des perspectives. Introduire un mandat limité pourrait apporter plus de diversité dans les délibérations.
- Une transparence plus forte. Rendre publiques les discussions ou les critères de sélection permettrait alors de dissiper certains doutes.
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