Elle dort sous verre, paisible, les mains croisées sur la poitrine, dans un cercueil transparent de la crypte des Capucins à Palerme. Rosalia Lombardo est en réalité morte en 1920 à l’âge de deux ans. Surnommée la « plus belle momie du monde », elle fascine autant qu’elle dérange. Car depuis les années 2000, une vidéo fait le tour d’internet : Rosalia ouvre les yeux. Lentement. Presque imperceptiblement. Mais assez pour flanquer la chair de poule. Alors ? Miracle ? Fantôme ? Ou simple illusion d’optique ?
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Rosalia Lombardo, un enfant momifié
Rosalia Lombardo meurt d’une pneumonie fulgurante, le 6 décembre 1920. Elle n’a que deux ans. Son père, inconsolable, demande au célèbre embaumeur Alfredo Salafia de faire de son corps une œuvre d’éternité. Et c’est un succès.
Plus d’un siècle plus tard, Rosalia semble toujours vivante. Sa peau est intacte, ses traits angéliques. On distingue encore ses cils. Un exploit jamais égalé depuis.
Pendant des décennies, la formule utilisée par Salafia reste un mystère. Ce n’est qu’en 2007 qu’on met la main sur ses carnets personnels, où il révèle son procédé.
Il n’a pas utilisé les techniques traditionnelles d’embaumement égyptiennes, mais une combinaison redoutablement moderne pour l’époque : formol, sels de zinc, alcool, acide salicylique et glycérine.
Le formol tue les bactéries. Les sels de zinc durcissent les tissus. L’alcool déshydrate le corps. La glycérine empêche le dessèchement. L’acide salicylique stoppe les moisissures. Ainsi, nous avons un corps vitrifié, figé dans le temps. Une prouesse scientifique, mais aussi une source d’angoisse.
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La momie qui ouvre les yeux ?
Tout irait bien si les visiteurs n’avaient pas remarqué, au fil des années, un phénomène troublant : les paupières de Rosalia semblent s’ouvrir. De quelques millimètres à peine, mais suffisamment pour révéler ses iris parfaitement conservés.
Des photos et vidéos prises à différentes heures montrent l’enfant « regardant » la caméra. Certains crient au miracle. D’autres parlent de possession. Plusieurs théories ésotériques naissent : âme piégée, malédiction, ou momie vivante.
Mais la science, elle, avance lentement, sans trembler. En 2009, le musée Capuchin engage une équipe d’archéologues et de chercheurs pour analyser le phénomène.
L’explication, selon eux, est simple : les yeux de Rosalia n’ont jamais été complètement fermés. Ce que les visiteurs perçoivent comme une ouverture est en fait dû à la lumière naturelle qui pénètre dans la crypte au fil de la journée.
La crypte n’est pas totalement noire. Selon l’angle d’arrivée du soleil, les ombres changent sur le visage de l’enfant, faisant apparaître un mouvement des paupières. Ajoutez à cela l’humidité, les variations de température, et vous obtenez une micro-modification des tissus. Pas de quoi cligner des yeux. Mais juste assez pour tromper notre cerveau, friand d’anthropomorphisme.
Une momie sous surveillance
En 2012, des mesures drastiques sont prises pour protéger le corps, car malgré sa préservation exceptionnelle, le temps commence à faire son œuvre. Rosalia est placée dans un cercueil hermétique, avec une atmosphère contrôlée à base d’azote. Son exposition à la lumière est réduite au minimum.
Une reconstruction 3D de son crâne révèle également une légère déformation du nez et un affaissement du thorax, des signes normaux pour une momie centenaire. Mais son visage reste incroyablement conservé. Certains experts affirment qu’aucune autre momie au monde ne présente un tel niveau de préservation.
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Pourquoi cette obsession mondiale ?
Rosalia Lombardo n’est pas seulement un cas scientifique. Elle est devenue un phénomène culturel. Des centaines de milliers de touristes se rendent chaque année dans les catacombes de Palerme pour la voir. Et, des artistes s’en inspirent. Des vidéos virales la montrent « vivante ». Sa photo orne des posters, des t-shirts, des forums entiers de passionnés de macabre.
Pourquoi cette fascination ? Parce qu’elle remet en cause notre rapport à la mort. Rosalia n’est pas un squelette. Elle n’est pas effrayante. Elle est douce, figée dans une éternité artificielle. Un corps mort qui semble encore contenir une âme. Et dans une société qui nie la mort ou l’enrobe de euphémismes, elle nous regarde droit dans les yeux.
Ce qui rend Rosalia Lombardo si fascinante, c’est aussi qu’elle est à la croisée des chemins entre la science, l’art et le spirituel. Son corps est un exploit technique. Mais sa conservation touche à quelque chose de profondément humain : le refus du deuil. Le désir d’arrêter le temps.
Et son « clignement d’yeux », aussi rationnel soit-il, nous rappelle que nous voulons croire à plus que la matière. Que nous projetons dans ce visage endormi tout ce que nous redoutons : la mort, l’oubli… et peut-être, l’éternité.
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