Cela faisait plus de 40 ans que les mathématiciens en rêvaient. Aujourd’hui, c’est chose faite : une équipe de chercheurs est parvenue à créer une pyramide physique qui défie les lois de l’intuition. Qu’on la lance comme un dé déséquilibré ou qu’on la laisse tomber d’une table, elle finit toujours par atterrir sur la même face. L’objet en question, surnommé « Bille« , est une prouesse géométrique autant qu’un exploit d’ingénierie. On vous explique.
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Un challenge pour les scientifiques lancé par John Conway
Comme nous l’apprenons ici, les scientifiques viennent de percer un grand mystère vieux de 40 ans. L’idée de ce défi vient à l’origine du célèbre mathématicien britannique John Conway, qui avait émis dans les années 1980 l’hypothèse qu’un tétraèdre aux masses judicieusement réparties pouvait devenir monostable, c’est-à-dire ne présenter qu’un seul point d’équilibre stable.
Mais les contraintes physiques et les effets du moment angulaire rendaient la tâche complexe, voire impossible à l’époque.
Un autre mathématicien, Robert Dawson, avait tenté dans les années 1980 de concrétiser l’idée en combinant feuille de plomb et baguettes de bambou. Malheureusement, ses expérimentations exigeaient des interventions extérieures pour stabiliser la forme, ce qui allait à l’encontre du principe d’autonomie mécanique recherché.
Beaucoup de scientifiques ont essayé de percer ce mystère et de résoudre cette énigme. Car, en science, la découverte de certains éléments passent aussi par ce genre de petit défi.
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L’énigme enfin résolue grâce à un chercheur et son étudiant
Ce n’est qu’en 2022 qu’un nouveau duo s’est emparé du problème : Gábor Domokos, chercheur à l’Université de technologie et d’économie de Budapest, et son étudiant Gergő Almádi.
Déjà connu pour avoir mis au point le gömböc, un objet monostable aux deux points d’équilibre (un stable, un instable), Domokos qualifiait ce défi du tétraèdre comme “le plus ardu de sa catégorie”.
Grâce à une ingénierie de précision, l’équipe a réussi à concevoir une structure mixte : un squelette ultraléger en fibre de carbone, combiné à une base en carbure de tungstène, un métal très dense.
Le moindre détail a compté : densité de la colle, équilibre des masses, symétrie des angles. Une microgoutte de colle mal placée a suffi à fausser les premiers tests. Mais une fois corrigée, l’objet s’est comporté exactement comme prévu. À chaque lancer, Bille retombait invariablement sur la même face.
Cette réalisation marque une première mondiale : jamais un objet à quatre faces (tétraèdre) n’avait atteint une telle stabilité mécanique dans le réel. Selon les chercheurs, Bille est le tout premier tétraèdre monostable fonctionnel. Une deuxième version a même été construite pour confirmer l’expérience, même si sa reproduction reste extrêmement difficile sans les données d’origine.
“Ce n’est pas qu’un problème de mathématiques. Il faut que la géométrie, la physique et l’ingénierie travaillent en parfaite harmonie”, disait Gábor Domokos.
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Mais, ça sert à quoi ?
Au-delà de la beauté de l’exploit, Bille pourrait bien avoir des usages très concrets. Dans le domaine spatial, par exemple, où les systèmes de redressement automatique peuvent faire la différence entre un atterrissage réussi et une mission échouée.
La mission Athena d’Intuitive Machines, qui s’est retournée sur le flanc lors de sa descente lunaire en 2024, illustre parfaitement ce type de risque. Une structure monostable aurait peut-être pu stabiliser la sonde au sol.
Plus étonnant encore : les propriétés du gömböc, l’autre objet découvert par Domokos, ont inspiré des chercheurs du MIT, de Harvard et de Novo Nordisk dans la création d’une capsule d’insuline capable de se redresser seule dans l’estomac, assurant ainsi une libération efficace du médicament sans aiguille.
« Les objets comme le gömböc ou Bille peuvent sembler purement théoriques, mais ils déclenchent des idées concrètes. Il y a des gens brillants qui ne font pas de mathématiques, mais qui, en voyant ces objets, font des liens auxquels personne n’aurait pensé », a déclaré le chercheur.
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