Alors que la perspective d’un durcissement législatif contre la fast fashion s’installe, un autre phénomène commence à émerger, loin des projecteurs. Dans le sillage de la polémique Shein, certains consommateurs expriment une inquiétude inattendue. Pour eux, la disparition de la plateforme signifie d’abord la perte d’un accès déjà fragile au vêtement. Leur réaction met en lumière un angle mort majeur du débat : les publics pour qui la fast fashion n’est pas un choix de confort, mais un recours faute d’alternative.
Sommaire
Un accès au vêtement encore inégal
Parmi les publics les plus concernés, les personnes en surpoids occupent une place singulière. Trouver des vêtements adaptés à leur morphologie, à leurs goûts ou à leur budget relève souvent du défi : tailles limitées, coupes inadaptées, prix élevés. Malgré des efforts affichés, l’offre classique peine encore à représenter la diversité des corps.
Dans ce contexte, la perspective d’un retrait de Shein est vécue comme le risque de perdre l’un des rares espaces accessibles. Comme l’a exprimé publiquement Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif National des Associations d’Obèses, « être bien habillé n’est pas un privilège ». Elle rappelle que la capacité à choisir ses vêtements conditionne aussi le sentiment d’appartenance et la place que chacun peut occuper dans la société. La dignité passe également par la visibilité, voir des corps divers représentés dans la mode, les vitrines, les campagnes.

Un sentiment d’invisibilisation ravivé
Ces éléments replacent la polémique dans une réalité peu abordée au niveau national. Pour certains, le vêtement est une condition d’inclusion sociale. À mesure que l’idée de restrictions se précise, beaucoup redoutent moins les mesures elles-mêmes que ce qu’elles impliqueraient pour leur quotidien. La disparition d’une plateforme offrant du choix et des tailles adaptées serait vécue comme une mise à distance supplémentaire, s’ajoutant à une invisibilité déjà présente dans les enseignes traditionnelles.
Ce ressenti ne constitue pas une défense du modèle Shein. Il révèle plutôt une faille profonde du marché classique et, par ricochet, les limites d’une transition écologique pensée sans tenir compte des réalités sociales.
Une dimension encore absente du débat public
La régulation de la fast fashion est nécessaire, mais sa mise en œuvre pose une question centrale : comment éviter qu’elle accentue des formes d’invisibilisation déjà existantes ?
Les réactions observées montrent que certains consommateurs ne voient pas dans Shein d’abord un symbole de surconsommation, mais l’un des rares espaces où ils se sentent représentés.
À travers ce prisme, la bataille contre la fast fashion ne peut ignorer un autre enjeu, celui d’une mode capable de prendre en compte tous les corps, tous les budgets et toutes les trajectoires sociales. Sans intégrer cette dimension, le risque est de cibler un modèle sans comprendre les raisons profondes qui poussent certains publics à en dépendre.
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