L’affaire des poupées sexuelles sur la plateforme Shein a suscité un tollé en France. Mais derrière l’émotion, elle pose une question plus large : peut-on encore réguler le numérique mondial sans double standard ?
Sommaire
Ne pas confondre défaillance et complaisance
Les grandes plateformes numériques sont devenues des écosystèmes tentaculaires : des millions de vendeurs, des milliards de références et un contrôle algorithmique permanent. Aucune n’est à l’abri d’un contenu illégal ou d’un produit problématique. Ce qui compte désormais, ce n’est plus l’absence de faute, mais la capacité à réagir vite et efficacement.
En novembre 2025, la DGCCRF a détecté sur la plateforme Shein la présence de poupées sexuelles à apparence enfantine, mises en vente par des vendeurs tiers. L’entreprise a aussitôt retiré les produits, banni la catégorie “sex dolls” de sa plateforme mondiale et annoncé une coopération totale avec les autorités françaises. Shein a également renforcé ses systèmes de contrôle interne et ses procédures de vérification des vendeurs, en conformité avec les exigences du Digital Services Act (DSA), le nouveau cadre européen de régulation des services numériques.
Une réponse rapide et globale qui rappelle que la gestion des risques dans le commerce en ligne ne peut être ni parfaite, ni instantanée.

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L’oubli sélectif des précédents : le cas Amazon
Faire de Shein le symbole des dérives du numérique mondial serait oublier que toutes les marketplaces ont connu des incidents similaires. Entre 2019 et 2022, Amazon a ainsi été épinglé à plusieurs reprises : pour la vente de poupées sexuelles à visage d’enfant, objet d’un procès à Nanterre ; pour la commercialisation de viande de dauphins et de baleines, pourtant interdite ; ou encore pour des pratiques de surveillance jugées abusives envers ses salariés et syndicats.
Ces affaires ont été absorbées par le flux médiatique sans laisser de trace durable. Shein, à la première erreur, devient quant à elle le symbole d’un “danger chinois”. Ce contraste révèle une asymétrie de traitement qui fragilise la crédibilité même des politiques de régulation. L’erreur d’un acteur occidental est souvent perçue comme un “raté technique” ; celle d’un acteur asiatique, comme un “risque systémique”.

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Un cadre européen à vocation universelle
Avec l’entrée en vigueur du Digital Services Act, l’Europe s’est dotée d’un instrument puissant pour encadrer les grandes plateformes. Le texte impose à tous les opérateurs en ligne : un signalement et retrait rapides des contenus illicites ; une vérification de l’identité des vendeurs ; et une traçabilité complète des produits proposés à la vente. Shein, par sa réaction, a montré qu’un acteur mondial pouvait intégrer ces exigences, même en dehors du cadre juridique européen.
L’affaire Shein illustre une évolution majeure : la régulation du numérique ne repose plus seulement sur la sanction, mais sur la responsabilisation des acteurs. Les plateformes doivent prouver qu’elles sont capables de détecter, corriger et prévenir… rapidement et durablement. C’est sur cette base que se construit la confiance du consommateur et la légitimité de l’économie numérique mondiale.
La véritable question n’est pas de savoir si une plateforme est chinoise, américaine ou européenne, mais si elle agit selon les mêmes standards de transparence et de responsabilité. Une éthique numérique cohérente suppose que chaque acteur soit jugé sur sa conduite, pas sur son origine.
Shein, en retirant les produits litigieux et en collaborant avec les autorités, a montré qu’un géant du e-commerce né hors d’Europe pouvait s’aligner sur les normes européennes les plus strictes.
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