On vous l’a vendu comme un geste citoyen : trier vos vêtements, faire le vide, « faire de la place à l’énergie », comme dirait Marie Kondo. Vous posez trois jeans sur le lit, vous lancez une playlist « minimalisme zen », et vous dites adieu à ce sweat que vous ne mettez plus depuis 2018. Bravo, vous venez de faire un geste écologique, non ? Eh bien… pas vraiment. Parce qu’en réalité, trier ses vêtements n’est pas toujours aussi vertueux qu’on le croit. Et dans certains cas, c’est même l’excuse parfaite pour… consommer davantage.
Sommaire
1. Le tri, souvent prélude à une razzia shopping
On trie rarement pour « moins avoir ». On trie souvent pour justifier un renouvellement. « J’ai vidé trois sacs chez Emmaüs, je peux bien craquer pour ces baskets. » Ce phénomène est connu : le vide appelle le plein.
Et derrière l’illusion de désencombrement se cache souvent un effet rebond. Vous avez fait de la place ? Vous la re-remplissez. Pire : vous culpabilisez moins, donc vous achetez plus facilement.
C’est la version textile du « cheat meal » : une petite purge qui autorise la rechute. Ainsi, l’impact écologique total reste inchangé. Voire aggravé.
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2. Donner n’est pas égal à sauver
Vous pensez faire une bonne action en déposant vos sacs dans une borne textile ? En réalité, moins de 15 % des vêtements donnés sont revendus localement (source : Refashion). Le reste est exporté à bas prix, souvent vers l’Afrique, l’Europe de l’Est ou l’Asie, où il inonde des marchés déjà saturés, détruit les économies locales, ou finit entassé dans des décharges à ciel ouvert.
Quand vous déposez vos vêtements dans une borne dédiée au « recyclage », une grande partie file droit vers l’Afrique, notamment au Ghana ou au Kenya. Là-bas, ce qui n’est pas revendu sur des marchés déjà saturés finit dans des décharges à ciel ouvert, en bord de mer ou dans des zones urbaines pauvres.
Des montagnes de vêtements synthétiques, invendables, imbibés de produits chimiques, qui polluent les sols, les eaux, l’air, et transforment littéralement certains pays en poubelles à ciel ouvert de la fast fashion occidentale.
Et encore, cela ne vaut que si le vêtement est propre, entier, portable. S’il est troué, taché, ou en matière synthétique ? Il terminera dans la benne « recyclage ». Mais attention : le recyclage textile reste marginal. La fibre est difficile à trier mécaniquement, et les débouchés restent très limités.
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3. Le tri ne règle rien si l’amont reste toxique
Trier, c’est bien. Mais si vous continuez à acheter des vêtements low cost, produits à l’autre bout du monde, en polyester, dans des logiques de micro-tendances, vous ne faites qu’alimenter la machine.
Le vrai problème, ce n’est pas le tiroir trop rempli. C’est la surproduction textile.
Et ça, le tri ne l’attaque pas. Au contraire, il l’absout. Il donne l’illusion d’un reset. Mais vider sans repenser sa manière d’acheter, c’est juste changer l’eau du bain avec les pieds sales.
4. Économiquement ? Pas si rentable de trier ses vêtements
Vous pensez que trier va vous faire faire des économies ? En théorie, oui. En pratique ? Vous allez probablement racheter. Et si vous essayez de bien faire (vêtements éthiques, matières naturelles, marques responsables), les prix grimpent. Donc vous dépensez plus.
Sinon, vous replongez dans la fast fashion… et vous recommencez dans six mois. La vraie économie, c’est de porter ce que vous possédez déjà.
5. L’alternative ? Ne pas trier, juste ralentir.
Et si, au lieu de trier, vous ne faisiez… rien ? Vous ne videz pas, vous n’achetez pas, vous observez. Et, vous redécouvrez ce que vous avez, vous recousez, vous vous lassez. Puis vous réutilisez.
Ça s’appelle le slow dressing. Ce n’est pas spectaculaire. Pas instagrammable. Mais radicalement anti-consumériste.
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