Elles mesurent quelques millimètres, pèsent moins qu’une goutte de rosée, et vivent dans des mondes organisés comme des empires miniatures. Les abeilles fascinent depuis toujours. Mais ce qu’on sait moins, c’est qu’elles sont aussi capables d’accomplir des prouesses cognitives longtemps jugées réservées aux mammifères supérieurs. Parmi elles : la reconnaissance des visages humains.
Sommaire
🐝Une expérience sur les abeilles qui bouscule les idées reçues
C’est Aurore Avarguès-Weber, chercheuse à l’Université de Toulouse et spécialiste du comportement animal, qui a réalisé une expérience troublante, comme nous pouvons l’apprendre ici.
En plaçant des abeilles à l’entrée d’un labyrinthe visuel et en leur montrant des visages humains stylisés, elle a constaté que, très rapidement, les insectes choisissaient la sortie correspondant à une image précise, généralement associée à une récompense sucrée. En clair : elles reconnaissaient un visage humain après un très court apprentissage.
Cette aptitude à distinguer des configurations visuelles complexes prouve que, malgré un cerveau minuscule de moins d’un million de neurones (contre environ 86 milliards chez l’humain), les abeilles possèdent une efficacité neuronale remarquable.
Elles ne voient pas les visages comme nous, mais elles savent assembler les différents éléments (yeux, bouche, front) en une structure reconnaissable.
🐝 Des insectes intelligents, mais aussi sensibles ?
La question de la sentience chez les insectes fait débat depuis plusieurs années. Pourtant, les capacités d’abstraction démontrées ici ne sont pas isolées. D’autres recherches ont révélé que les abeilles savent compter jusqu’à quatre, reconnaître les concepts de « même » et « différent », voire faire des choix basés sur des règles logiques.
Certaines expériences ont aussi montré qu’elles étaient capables d’apprendre par expérience indirecte, en observant leurs congénères.
Et au-delà du cognitif, des indices sérieusement pris en compte dans la recherche actuelle suggèrent que les abeilles ressentent des états émotionnels rudimentaires, comme une forme de frustration ou d’attente. L’éthologie cognitive découvre ainsi, petit à petit, un monde insoupçonné dans l’esprit de ces pollinisateurs.
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🐝 Un fonctionnement social fascinant chez les abeilles
La vie d’une colonie d’abeilles est un modèle d’organisation. On y trouve une reine, des ouvrières, des nourrices, des butineuses, des gardiennes, et des mâles (les faux-bourdons) dont le rôle est uniquement reproductif. Tout est régi par des phéromones, une forme de communication chimique extrêmement sophistiquée.
Chaque abeille a une fonction bien définie en fonction de son âge et des besoins de la ruche. Les jeunes s’occupent du nettoyage, puis viennent nourrir les larves, avant de passer aux travaux de bâtisseuses, puis enfin au butinage. Cette répartition du travail est dynamique et adaptative.
La fameuse « danse frétillante » permet à une butineuse de transmettre des informations précises sur la localisation d’une source de nourriture, en codant la distance et l’orientation par rapport au soleil. Ce langage corporel est unique dans le monde animal non humain.
🐝 Pourquoi est-ce si important ?
Comprendre que les abeilles ne sont pas de simples automates biologiques, mais des créatures capables d’apprentissage, de communication et d’adaptation, change complètement notre manière de voir l’insecte. Et cela a des conséquences profondes sur le plan éthique et environnemental.
On ne peut plus parler de « simple disparition d’insectes » : on parle d’une perte de culture, de savoirs, d’un réseau vivant qui interagit avec son environnement. En reconnaissant l’intelligence animale, on admet que leur disparition ne représente pas qu’un risque pour l’agriculture, mais un drame du point de vue du vivant.
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🐝 Les pesticides, coupables en série
Selon plusieurs études, l’usage intensif des pesticides est une des principales causes du déclin des abeilles. Notamment les néonicotinoïdes, accusés de provoquer des troubles de la mémoire, de la navigation et de la communication chez les butineuses. Certaines colonies entrièrement exposées à ces molécules ne survivent pas à l’hiver, les abeilles ne retrouvant plus leur chemin vers la ruche.
Aurore Avarguès-Weber rappelle que ces molécules ne les tuent pas toutes directement. Elles les rendent « désorientées, incapables d’intégrer les informations nécessaires à leur survie ».
➡️ La fragmentation des habitats, le changement climatique, la pollution lumineuse et sonore s’ajoutent à cette liste noire. Chaque perturbation écologique affaiblit leur capacité à fonctionner normalement.
🐝 Un symbole du vivant à protéger
Les abeilles sont essentielles à la pollinisation. Près de 75 % des cultures alimentaires mondiales dépendent en partie de l’action des pollinisateurs. Sans elles, plus de tomates, de pommes, d’amandes, de café. Et bien au-delà de l’alimentation humaine, c’est la structure même des écosystèmes qui serait bouleversée.
Elles jouent aussi un rôle d’indicateur de santé environnementale. Une ruche affaiblie peut être le symptôme d’un environnement dégradé. Les observer, c’est donc aussi comprendre les signaux faibles du dérèglement écologique.
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