Certaines vendent l’eau de leur bain, un artiste a collé une banane sur un mur, Marcel Duchamp avait créé son urinoir comme une œuvre d’art. Mais, il y a un niveau au-dessus : Piero Manzoni. Piero Manzoni, c’est l’Italien qui a regardé l’art contemporain droit dans les yeux… et qui a décidé d’en rire. Mort à 29 ans, il laisse derrière lui l’une des œuvres les plus provocatrices (et littérales) du XXe siècle : 90 boîtes de ses propres excréments vendues au prix de l’or. Et toujours exposées dans les plus grands musées.
« Merda d’artista » : l’œuvre qui a fait connaitre Piero Manzoni
Nous sommes en 1961. Nous étions à l’époque d’Andy Warhol, à l’époque de l’industrialisation à l’extrême. Piero Manzoni, jeune artiste milanais influencé par Dali et l’art conceptuel, scelle soigneusement 90 petites boîtes métalliques. Étiquette blanche, texte en noir, trilingue : “Merda d’artista, 30g net, conservée au naturel, Made in Italy”, lit-on.
Il les vend au prix de l’or au gramme. Littéralement : 30 g = 30 g d’or. L’idée est simple et brutale : si tout peut être art, alors pourquoi pas ça ? Son œuvre dénonce la marchandisation de l’art, sa spéculation absurde, et le culte de l’artiste-génie. Il dit : « Si les collectionneurs veulent quelque chose d’intime de l’artiste, eh bien, voilà ».
Les boites sont aujourd’hui conservées au MoMA, à la Tate Modern, au Centre Pompidou. Certaines se sont vendues aux enchères pour plus de 275 000 euros. Sans qu’on sache vraiment ce qu’elles contiennent. Car oui : personne n’a jamais ouvert une boîte. De peur de l’abîmer, ou… de découvrir qu’il s’agissait juste de plâtre.
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D’autres œuvres étranges proposées par l’artiste
Piero Manzoni, c’est aussi celui qui signait des œufs durs et les faisait manger au public (Consumazione dell’arte). C’est aussi celui qui mettait son empreinte sur des corps humains, déclarés “sculptures vivantes”.
Et c’est aussi celui qui vendait de l’air en ballon de baudruche, appelé Fiato d’artista (souffle d’artiste). Et même des socles vides, destinés à “consacrer” n’importe qui comme œuvre d’art.
Tout est sarcastique, mais parfaitement cadré. Il ne se moque pas de l’art. Il s’attaque à ses codes, à ses rites, à sa sacralité. Piero pousse à l’extrême ce que Duchamp avait commencé avec l’urinoir.
Piero Manzoni meurt d’un infarctus en 1963, dans son atelier, à 29 ans. Yves Klein, autre grand radical de l’époque, meurt à 34. Les deux sont devenus des légendes de l’art conceptuel européen.
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