Manille, 1953. Une adolescente de 17 ans hurle dans une cellule, les yeux révulsés, le corps marqué de morsures fraîches qui semblent apparaître sous les yeux des policiers. Son nom : Clarita Villanueva.
Ce cas étrange, devenu l’un des plus documentés d’Asie, va semer la panique dans la capitale philippine, alerter les autorités et même mobiliser un pasteur évangélique américain pour un exorcisme d’anthologie. Mais que s’est-il réellement passé ?
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Une jeune fille perdue et hantée ?
Clarita Villanueva n’est pas une enfant de chœur. Fille d’une spirite (personne qui invoque les esprits) décédée peu avant les faits, elle traîne dans les rues de Manille, vit de petits larcins et finit par se faire arrêter pour vagabondage. Direction la prison pour femmes. C’est là que tout commence.
Dès son arrivée, elle commence à se plaindre de douleurs intenses. Ses cris terrifient les autres détenues. Mais ce ne sont pas de simples spasmes.
À plusieurs reprises, des témoins affirment avoir vu des marques de morsures apparaître sur sa peau en direct, sans que personne ne la touche. Un médecin l’ausculte. Il est sceptique. Mais lorsqu’il assiste lui-même à l’apparition des morsures, il quitte la salle… blême.
Clarita Villanueva : un phénomène public et politique
L’histoire fait le tour de la presse. L’administration pénitentiaire, embarrassée, finit par admettre que le personnel est dépassé. Des journalistes viennent sur place. Certains racontent avoir vu Clarita se tordre de douleur en hurlant dans une langue inconnue, puis retomber inerte.
Le maire de Manille lui-même, Arsenio Lacson, entre en jeu. Pragmatique, il tente de rassurer l’opinion publique : non, il ne s’agit pas d’un démon, mais d’un cas psychiatrique. Pourtant, il quitte la cellule quelques minutes après y être entré, troublé, sans mot dire.
Deux entités : le petit et le grand
Clarita raconte qu’elle est attaquée par deux entités. Un être « petit, velu, aux yeux rouges », et un autre, « grand, noir et monstrueux ». Ils la menacent, la mordent, lui crient des choses horribles à l’oreille. Elle affirme qu’ils veulent son âme.
On est à mi-chemin entre L’exorciste et un cas clinique. Mais rien ne colle aux troubles classiques de la possession selon les critères psychiatriques. Elle ne semble pas simuler. Et surtout : plusieurs personnes disent voir les marques apparaître sous leurs yeux.
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L’entrée en scène de Lester Sumrall
L’affaire prend un tournant décisif quand Lester Sumrall, un missionnaire pentecôtiste américain, entend parler du cas. Il demande l’autorisation d’entrer dans la prison pour tenter un exorcisme.
Ce qu’il voit le glace : Clarita, livide, parle avec une voix gutturale. Elle crache, insulte, se débat. Pendant plusieurs jours, Sumrall prie, impose les mains, lit des versets bibliques. L’atmosphère est électrique. Il raconte dans ses mémoires que le mal semblait palpable. Puis, sans prévenir, Clarita se calme. Elle s’effondre, et dit : « Ils sont partis. »
Délire collectif ou démonologie réelle ?
C’est ici que les versions divergent. Pour les croyants, Clarita a été victime d’une vraie possession démoniaque, liée à l’héritage spiritiste de sa mère. Pour les rationalistes, on parle d’un cas de trouble dissociatif sévère, dans un contexte social ultra-religieux, renforcé par la pression médiatique.
Mais il reste un problème : les témoins. Des policiers, des médecins, des journalistes. Tous racontent la même chose : des morsures apparaissaient sans cause physique visible.
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Le cas Clarita Villanueva : une société en crise de foi ?
Nous sommes en 1953, en pleine guerre froide. Les Philippines, fraîchement indépendantes, cherchent à construire une identité. Le catholicisme s’y heurte à des pratiques païennes, des cultes spirites, et une société patriarcale où les femmes désobéissantes sont vite considérées comme “dérangées”.
Clarita, jeune fille marginale, représente tout ce que la société craint. Elle est pauvre, sans éducation, et refuse l’autorité. L’idée qu’elle soit « possédée » arrange tout le monde : on peut l’isoler, la soigner, l’exorciser… sans jamais questionner la société qui l’a abandonnée.
Après l’exorcisme, Clarita sort rapidement du système carcéral. On perd sa trace dans les années 1960. Sumrall affirme qu’elle a « trouvé la paix » et qu’elle s’est convertie. Mais aucun document officiel ne confirme son parcours.
L’affaire, elle, devient légendaire. Des documentaires, des podcasts, des livres, tous reprennent cette histoire, tantôt comme une preuve de la réalité du Malin, tantôt comme une critique du fanatisme religieux.
Aujourd’hui, le cas Clarita Villanueva reste une énigme. Psychose aiguë ? Possession ? Manipulation de masse ? Il nous rappelle surtout que les frontières entre le visible et l’invisible sont floues.
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