Il y a des mondes entiers sous nos pieds. Invisibles pour la plupart, mais bien réels. Le sol grouille de vie, souvent silencieuse, toujours essentielle. Et parmi cette armée discrète, un petit héros terrestre joue les nettoyeurs invisibles, les ingénieurs de l’ombre : le cloporte.
Loin des clichés d’insectes dégoûtants, le cloporte est aujourd’hui au cœur d’une passion grandissante, portée par la vague de la terrariophilie moderne. Plus qu’un simple auxiliaire de nettoyage, il devient petit à petit animal de compagnie, objet de collection, et même source de revenus.
Sommaire
🕷️ Une microfaune qui fascine de plus en plus
Difficile d’imaginer qu’un petit crustacé terrestre, souvent assimilé à une saleté de sous-pot de fleurs, puisse fasciner à ce point. Et pourtant. Les cloportes, ou isopodes terrestres pour les puristes, sont devenus en quelques années une composante incontournable du terrarium bioactif.
À la base, ils n’étaient là que pour « faire le ménage » chez les serpents et les autres reptiles de la terrario, mais leur rôle a évolué, devenant aussi des animaux formidables en élevage.
Ils se nourrissent de matières organiques en décomposition, de feuilles mortes, de bois pourri, de mues de reptiles. Une sorte d’équipe de nettoyage naturelle, efficace, silencieuse et autonome. Mais très vite, les amateurs de reptiles et de milieux vivants ont compris qu’il se passait quelque chose.
Que ces petites bêtes avaient leur propre beauté, leurs propres comportements, leurs propres besoins. D’ailleurs, selon certaines études, les cloportes seraient sensibles et ressentiraient la douleur, l’anxiété, etc.
Et surtout… qu’il en existait des dizaines d’espèces différentes, avec des couleurs, des formes, des vitesses de reproduction et des comportements bien distincts.
Aujourd’hui, on ne parle plus seulement de Porcellio scaber ou d’Armadillidium vulgare. On parle de morphs, de localités, d’espèces exotiques : Cubaris murina, Cubaris sp. Panda King, Porcellionides pruinosus “Powder blue”, Armadillidium klugii “Montenegro”. Un vocabulaire entier s’est développé autour d’eux. Et avec lui, une vraie culture, presque une sous-culture de passionnés, discrets mais acharnés.
🦗 Pourquoi élever des cloportes ?
Trois mots : utilité, passion, business. Utilité, car les cloportes, dans un terrarium ou un vivarium, c’est comme des agents d’entretien 24h/24. Ils mangent les déchets organiques, recyclent le substrat, et aident à maintenir un microclimat sain. Un genre de petit personnel bio, gratos (ou presque).
Passion, parce que les espèces sont variées, les couleurs hallucinantes (certaines sont orange fluo, d’autres zébrées façon zèbre sous acide), et leur comportement en groupe est fascinant. Un peu comme un élevage de crevettes terrestres.
Et business, pour certain car, oui, certaines espèces rares se vendent entre 8 et 50 euros la dizaine, voire plus de 100euros pour des morphs vraiment exotiques.
🐞Des différences de maintien parfois radicales entre espèces
Mais attention, tous les cloportes ne se ressemblent pas. Ce n’est pas parce qu’ils ont la même silhouette qu’ils partagent les mêmes besoins.
Les espèces européennes, comme les Armadillidium, sont plus tolérantes à la sécheresse, à la variation de température, aux erreurs de débutant. Elles aiment les substrats riches en feuilles mortes, avec une humidité modérée et un coin sec bien défini. Elles se reproduisent lentement, mais elles vivent longtemps et sont faciles à maintenir.
À l’inverse, les Porcellionides sont de véritables machines à reproduction. Les “Powder blue” ou “Powder orange” pondent à tour de bras dès qu’elles sont à l’aise. Mais elles ont besoin d’humidité constante, d’un substrat toujours riche en matière organique, et d’une certaine stabilité. Si le bac sèche, elles meurent en quelques heures.
Et puis, il y a les stars. Les Cubaris, véritables bijoux du monde isopode. Petites, timides, parfois très colorées, elles demandent une main de velours. Un bac bien cyclé, une humidité parfaitement contrôlée, une ventilation douce, une alimentation variée…
Leur reproduction est lente, leur développement capricieux, mais leur succès est tel que certaines espèces se vendent aujourd’hui à plus de 100 euros les dix individus. Oui, des cloportes. À ce prix-là.
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🪲 Voici une liste de quelques espèces pour son élevage de cloportes (et où les acheter)
➡️ Il faudra regarder par vous-même quelle espèce vous préférez, je vous mets des liens sur chaque espèce pour en savoir plus.
Cubaris sp. « Panda King », Cubaris murina, Cubaris sp. « Rubber Ducky », Porcellio laevis « Dairy Cow », Porcellio laevis « Panda », Porcellionides pruinosus « Powder Blue », Armadillidium vulgare, Armadillidium klugii « Montenegro », Porcellio scaber « Dalmatien », Cubaris sp. « Pak Chong », Porcellio magnificus, Cubaris sp. « White Tiger », Armadillidium nasatum « Peach »…
Vous pouvez donc acheter vos cloportes en boutique spécialisée (notamment en reptiles et insectes), en ligne (par exemple chez Bebesaurus, Reptilis ou La Ferme Tropicale), mais aussi sur des groupes Facebook, sur Leboncoin…
📦 Avant de te lancer : le matos de base
- Bac plastique hermétique ou terrarium en verre ou PVC bien ventilé, par exemple avec un grillage fin, mais pas trop gros pour éviter que les bébés ne puissent sortir car les cloportes peuvent parfois grimper.
- Substrat riche : mélange de terre de forêt, feuilles mortes, écorces, mousse, et morceaux de bois.
- Humidité maîtrisée : 70-90% selon l’espèce. Vaporisateur indispensable.
- Cachettes : écorces, feuilles, coquilles de noix, plantes… J’aime bien l’écorce de chène liège.
- Source de calcium : coquilles d’œuf broyées, os de seiche…
- Une source de lumière en fonction de l’espèce et un chauffage en fonction de l’espèce (type tapis chauffant avec thermostat)
- Alimentation : fruits et légumes en petites quantités (pomme, carotte, courgette), champignons, paillettes pour poissons, et bien sûr du bois et des feuilles.
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💡Conseils pour un élevage qui cartonne
- Mets plusieurs espèces séparées : elles n’ont pas toutes les mêmes besoins. Le mix, c’est le chaos.
- Laisse vieillir ton substrat avant d’y introduire les cloportes : ils aiment le « compost vivant ».
- Ne nettoie pas trop : ils mangent leurs mues, leurs morts, les moisissures. C’est le principe.
- Observe : comportement léthargique, cela veut dire que c’est trop sec ou trop humide.
- Ne panique pas si tu vois des moisissures : c’est normal au début.
- Change la nourriture tous les deux jours maximum, vaporise d’eau reposée 24 heures pour que le substrat soit mouillé mais pas détrempé. Les cloportes sont des crustacés, ils ont besoin d’eau, mais pas de se noyer. Conseil : vaporise seulement sur une partie du bac, à l’opposé de la nourriture. C’est toujours bien de laisser le choix à l’animal entre sècheresse et humidité.
🪙 Un élevage de cloportes, un tremplin vers la micro-entreprise ?
C’est là que l’affaire devient encore plus intéressante. Car certains passionnés, en France, ont commencé à professionnaliser leur élevage. Discrètement, souvent depuis chez eux, ils cultivent plusieurs dizaines de bacs, chacun spécialisé sur une espèce. Ils gèrent les reproductions, sélectionnent les individus les plus beaux, isolent les morphs rares, entretiennent leur souche.
Et ils vendent. En ligne, principalement. Sur Leboncoin, sur Etsy, sur les forums ou autre plateforme, ou même votre site web perso. Pour les insectes, il faut avoir une entreprise pour vendre, mais c’est légal sans certificat.
Le plus important si vous vendez vos reproductions, c’est de faire attention à bien emballer les cloportes dans une boite plastique avec petits trous (destinés aux insectes), avec une petite vaporisation, leur substrat, des feuilles mortes, cachettes et nourriture.
Il faut envoyer de manière sécurisé en sélectionnant chez le transporteur une option pour animaux vivants. Chronopost le propose par exemple. Ne pas envoyer comme ça dans un colis La Poste ! Pense aussi aux chaufferettes pour l’hiver et que les délais de livraison soient moindres.
Les ventes se font par dix, par vingt, parfois par cent. Des amateurs achètent pour leur terrarium bioactif. Des collectionneurs cherchent des souches rares. Des néophytes veulent juste découvrir cette microfaune fascinante.
Le cadre légal, en France, reste flou tant qu’il s’agit d’un loisir. Mais dès que les ventes deviennent régulières, il faut déclarer son activité, comme nous vous l’avons dit. Le statut d’auto-entrepreneur est alors recommandé, simple à obtenir, et il permet de structurer son élevage en activité complémentaire. Pas question ici de devenir millionnaire, mais un petit complément de revenus, parfaitement possible.
Pour les prix, regarde ce qui se fait déjà dans le monde de la vente de cloportes. Tu peux totalement t’en inspirer pour fixer tes tarifs.
🌿 Un élevage de cloportes : un monde fragile, à respecter
Mais attention : qui dit élevage dit responsabilité. Il ne s’agit pas ici de surproduire pour entasser des boîtes. Les cloportes sont vivants, sensibles à leur environnement, et surtout, parfois originaires de milieux très spécifiques. Le prélèvement sauvage est à proscrire, tout comme le relâchage en pleine nature d’espèces exotiques.
L’éthique de l’éleveur repose sur trois piliers : sélection raisonnée, conditions de vie optimales, et zéro impact environnemental. Si ces trois conditions sont réunies, alors l’élevage devient non seulement une passion, mais aussi un acte militant. Un geste pour mieux comprendre la biodiversité. Un pied de nez à l’ignorance qui relègue encore trop souvent ces petites bêtes dans la case « nuisibles ».
Autres conseils :
- Privilégie les souches nées en captivité. Ne prélève pas en forêt.
- Ne relâche jamais des espèces exotiques dans la nature.
- Évite la surproduction si tu ne peux pas écouler. Trop de repro ? Échange, donne, ou congèle pour nourrir tes reptiles.
Bref, l’élevage de cloportes en France, ce n’est plus juste un effet de mode. C’est une vraie niche en expansion, où se croisent science, écologie, passion et parfois… rentabilité. C’est une microfaune qui attire les curieux, rassemble les passionnés et intrigue même les biologistes. C’est aussi un monde où l’on apprend la patience. Où l’on redécouvre la beauté de l’infiniment petit. Où l’on comprend, jour après jour, que la nature ne se limite pas aux gros mammifères, mais qu’elle foisonne dans les moindres recoins de nos boîtes en plastique.
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