Sur TikTok et Instagram, des millions d’internautes vantent une étrange habitude du coucher : dormir la bouche fermée à l’aide d’un ruban adhésif médical. En bref, se scotcher la bouche pour dormir.
Cette tendance, baptisée mouth taping, promet monts et merveilles, comme moins de ronflements, une peau plus fraîche, une meilleure haleine et des nuits enfin réparatrices. Mais derrière le buzz, les médecins alertent : cette pratique n’a rien d’anodin.
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Pourquoi se scotcher la bouche pour dormir ?
L’idée paraît simple. En collant un petit morceau de sparadrap sur les lèvres, on empêcherait la respiration buccale pendant la nuit, ce qui favoriserait le passage de l’air par le nez. Selon les adeptes, ce changement réduirait la sécheresse de la bouche, limiterait le grincement des dents et permettrait même de remodeler la mâchoire.
Une influenceuse américaine, Olivia Tennison, a fait exploser le phénomène. Sa vidéo où elle raconte avoir « retrouvé un sommeil profond dès la première nuit » cumule plus de huit millions de vues. Elle y assure que le ruban l’aide à garder la bouche fermée et à éviter la gorge sèche du matin.
Un sondage réalisé en 2023 sur plus de 2 000 personnes montre que 11 % des adultes ayant testé des tendances de sommeil ont déjà tenté l’expérience du scotch buccal.
Beaucoup disent vouloir cesser de ronfler, respirer par le nez… voire redessiner les contours de leur visage. Car sur les réseaux, certains affirment que la pratique affinerait la mâchoire ou préviendrait le double menton.
Peu d’études, beaucoup de risques
Malgré cet engouement numérique, les preuves scientifiques manquent. D’après la professeure Indira Gurubhagavatula, spécialiste du sommeil à l’Université de Pennsylvanie, comme nous le lisons ici, « aucune donnée solide ne démontre que le scotch buccal améliore la qualité du sommeil ». Pire : il pourrait aggraver certains troubles respiratoires.
L’apnée du sommeil, qui touche près de deux milliards d’adultes dans le monde, en est un exemple. En bloquant la respiration par la bouche, le ruban pourrait accentuer les difficultés d’oxygénation.
Une petite étude menée en 2022 sur vingt patients atteints d’apnée modérée a bien observé une réduction du ronflement chez treize d’entre eux, mais l’échantillon reste trop limité pour en tirer une conclusion fiable.
La Sleep Foundation rappelle par ailleurs que cette méthode peut provoquer des effets secondaires : troubles respiratoires nocturnes, irritation des lèvres, réveils fréquents ou inconfort au moment de retirer le ruban.
Pourquoi la respiration nasale est-elle si importante ?
Respirer par le nez n’est pas qu’un réflexe : c’est un véritable filtre biologique. L’air y est humidifié, réchauffé et débarrassé d’une partie des allergènes avant d’atteindre les poumons. Cette voie naturelle contribue aussi à la production d’oxyde nitrique, un gaz qui favorise la circulation de l’oxygène dans le sang.
Chez les enfants et les adolescents, cette respiration nasale joue un rôle clé dans la croissance du visage. Une étude publiée en 2022 a montré que les jeunes respirant par le nez présentaient un palais mieux formé et une mâchoire correctement alignée. Ceux qui respiraient par la bouche, en revanche, développaient plus souvent des déséquilibres musculaires au niveau du visage.
Chez l’adulte, les effets structuraux restent incertains. Mais la respiration buccale prolongée est associée à plusieurs désagréments : caries, inflammation des gencives, haleine fétide ou sécheresse chronique.
« Certaines personnes se réveillent avec la gorge irritée simplement parce qu’elles dorment la bouche ouverte », explique la professeure Gurubhagavatula.
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Des solutions plus sûres que le scotch
Avant de se lancer dans la tendance, les médecins recommandent de comprendre pourquoi on respire par la bouche. Dans bien des cas, un simple problème anatomique ou une congestion nasale chronique peut être en cause : allergies, polypes, infection ou cloison nasale déviée.
« Au lieu de forcer la respiration nasale avec un ruban adhésif, il vaut mieux consulter un professionnel pour traiter l’obstruction« , conseille la docteure Salma Batool-Anwar, du Massachusetts General Brigham.
L’hygiène du sommeil reste le meilleur levier : horaires réguliers, pièce sombre, pas d’écrans avant le coucher. Et si la respiration nocturne semble vraiment problématique, un médecin du sommeil pourra proposer des solutions adaptées, comme un appareil respiratoire ou des exercices spécifiques.
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