Le 26 avril 1986, à 1 h 23 du matin, le réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl explose. Un nuage radioactif s’élève au-dessus de la ville de Pripyat et contamine une large partie de l’Europe. Les autorités soviétiques mettent plusieurs jours à réagir. Quand l’ordre d’évacuer tombe, il est trop tard : des milliers de personnes ont déjà été exposées. Officiellement, la zone interdite est vidée de ses habitants. Mais, officiellement seulement.
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Encore des habitants dans la zone de Tchernobyl
Car tous n’ont pas quitté leur terre. Dans les semaines qui suivent la catastrophe, environ 1200 personnes, surtout des femmes âgées, reviennent vivre dans leurs maisons, dans les villages de la zone d’exclusion. Ces femmes, aujourd’hui surnommées les babouchkas de Tchernobyl, refusent l’exil, les camps provisoires, les barres d’immeubles à 200 km de là.
Elles vivent dans un rayon de 30 km autour du réacteur, dans une zone pourtant décrétée « inhabitable pour 24 000 ans ». À pied, à vélo ou cachées dans des camions militaires, elles sont revenues, clandestinement d’abord, puis tolérées par les autorités.
Aujourd’hui, elles ne seraient plus qu’une cinquantaine à vivre là, dans des villages comme Kupovate, Teremtsy ou Parishev. Des noms presque oubliés sur les cartes. Leur quotidien : cultiver leur potager, élever des poules, couper du bois, et se débrouiller avec une pension dérisoire. Certaines ont même accès à l’électricité. Pas d’eau courante. Le pain est livré une fois par semaine.
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« C’est ici que je veux mourir »
Elles ont pour la plupart plus de 80 ans. Et toutes tiennent le même discours : mourir à Tchernobyl vaut mieux que vivre ailleurs. Beaucoup disent que c’est la perte de leur maison, plus que la radioactivité, qui les a tuées à petit feu. Elles ont vu leurs maris dépérir dans les villes de relogement, loin de leur terre, de leur jardin, de leurs repères.
Et puis, elles affirment ne pas avoir peur. L’une d’elles aurait déclaré ceci : « J’ai survécu à Staline, à la guerre, à la famine. Ce n’est pas un petit atome qui va me faire fuir ». Certaines ont perdu des proches de cancer, d’autres non.
Elles mangent les pommes de leurs arbres, les champignons de la forêt, les poissons du fleuve Pripiat. Officiellement, tout est contaminé. Officieusement, elles vivent encore.
La plupart ne reçoivent plus de soins médicaux réguliers. Mais elles vivent avec une forme de paix. Elles cuisinent, prient, écoutent la radio soviétique. Certaines entretiennent même les tombes, et se souviennent de ceux partis, ceux morts, et ceux oubliés.
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Une zone pas si déserte que ça
Il n’y a pas que des vieilles dames. Quelques hommes vivent aussi dans la zone, notamment des solitaires, anciens liquidateurs, braconniers, ou marginaux. La faune, elle, a repris ses droits : chevaux de Przewalski, loups, élans, sangliers, aigles. La nature prospère dans les ruines humaines.
On croise aussi dans la zone des scientifiques, des militaires, des journalistes, des techniciens de la centrale encore en activité, et des guides touristiques. Car Tchernobyl est devenu une destination. Depuis la série HBO, l’intérêt a explosé. Les babouchkas, elles, regardent passer les 4×4, sans comprendre cet étrange engouement.
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