Acheter une forêt en France n’est pas un rêve réservé aux grands propriétaires terriens ou aux amoureux de cabanes perchées. C’est une démarche de plus en plus courante, motivée par l’envie de renouer avec la nature, d’investir autrement, ou même de protéger des écosystèmes.
Mais avant de signer quoi que ce soit, il faut savoir une chose essentielle : une forêt n’est pas un bien comme les autres. Vous n’achetez pas juste des arbres. Vous endossez un rôle, avec des droits, mais aussi de véritables responsabilités.
🌲 Une acquisition plus accessible qu’on ne le croit
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les forêts françaises ne sont pas hors de prix. Selon les chiffres 2023 de la SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural), le prix moyen d’un hectare de forêt en France se situe autour de 4 500 euros, avec de grandes variations selon les régions.
Dans le Centre ou en Limousin, certains bois se négocient entre 2 000 et 3 000 euros l’hectare. En revanche, en Île-de-France ou en région PACA, les prix peuvent facilement doubler.
Il est donc possible d’acheter une petite parcelle forestière avec un budget raisonnable, surtout si l’objectif n’est pas la rentabilité mais la préservation, la balade ou une gestion familiale à long terme.
🌲 Acheter une forêt : un bien soumis à des règles spécifiques
La forêt, même privée, ne vous donne pas tous les droits. En France, 75 % des forêts appartiennent à des particuliers, ce qui fait de notre pays l’un des champions de la propriété forestière privée. Mais cela ne signifie pas que l’on peut y faire ce que l’on veut.
Dès l’achat, vous êtes soumis au Code forestier, qui encadre l’exploitation, la protection et l’entretien des espaces boisés. Si votre parcelle dépasse 25 hectares, elle doit obligatoirement être dotée d’un Plan simple de gestion, validé par le Centre régional de la propriété forestière (CRPF). Ce document fixe les modalités de coupe, de reboisement et d’entretien sur une période de 10 à 20 ans.
Même pour des parcelles plus petites, certaines obligations peuvent s’appliquer, notamment si la forêt est classée dans une zone Natura 2000, un parc naturel régional ou une zone à risque d’incendie. Couper un arbre n’est jamais un acte anodin. Et si vous vendez du bois, cela entre dans le cadre d’une activité économique, avec tout ce que cela implique.
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🌲 Un accès… mais pas sans conditions
Beaucoup de gens pensent que s’ils achètent une forêt, ils pourront y interdire l’accès à tout le monde. Ce n’est pas totalement vrai. En principe, une forêt privée est fermée au public, sauf indication contraire. Mais en pratique, il est très difficile d’empêcher les promeneurs, les chasseurs ou les cueilleurs de champignons d’y pénétrer.
Vous pouvez interdire l’accès avec des panneaux “propriété privée”, clôturer votre terrain (dans le respect des lois sur la faune sauvage) et demander à verbaliser les intrus si nécessaire. Mais dans les faits, le droit de passage informel est souvent toléré, sauf en cas de danger ou de dégradation manifeste.
À l’inverse, si vous souhaitez autoriser certaines activités, bivouac, cueillette, circuits pédagogiques, il est tout à fait possible de les encadrer vous-même, via des conventions ou un règlement intérieur.
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🌲 Chasse, coupe, feu : pas de freestyle
Autre point souvent mal compris : le droit de chasse. Si votre parcelle est intégrée dans une Association Communale de Chasse Agréée (ACCA), vous ne pouvez pas chasser librement dessus, ni interdire aux autres de le faire.
La loi impose alors une mutualisation des droits de chasse sur l’ensemble du territoire communal. Il existe des moyens de s’y opposer, mais cela passe par une demande officielle et des conditions très précises.
Concernant les coupes de bois, la loi est encore plus stricte. Même sur votre propre terrain, une coupe rase, c’est-à-dire l’abattage complet d’un secteur, est soumise à autorisation préfectorale au-delà de certaines surfaces (souvent 0,5 à 1 hectare selon la région). Vous devez également respecter les cycles de reboisement, et dans certains cas, replanter à vos frais.
Et pour les feux ? Le brûlage des végétaux, souvent pratiqué en lisière de forêt, est interdit ou très encadré dans de nombreuses régions en raison des risques d’incendie. Là encore, se renseigner auprès de la préfecture ou de la mairie est indispensable.
🌲Peut-on y vivre ? Construire ? S’installer ?
Si vous rêvez d’une tiny house, d’un refuge en bois ou d’un campement autosuffisant en pleine forêt, attention : les terrains boisés ne sont pas constructibles par défaut. Ils sont classés comme espaces naturels protégés dans la plupart des documents d’urbanisme. Il est donc quasiment impossible d’obtenir un permis de construire, sauf cas très spécifiques (abris de gestion forestière, cabanes d’observation temporaires, etc.).
Cela ne veut pas dire que tout est interdit, mais il faudra composer avec les règles locales. Une yourte non fixée au sol ? Un chalet démontable ? Un habitat léger autonome ? Tout cela dépend du PLU (Plan local d’urbanisme) de la commune et des rapports avec la mairie.
🌲 Acheter une forêt en France : une responsabilité environnementale
Acheter une forêt, c’est aussi devenir gestionnaire d’un écosystème. Cela implique de surveiller les espèces invasives, d’évaluer les risques sanitaires (comme la chalarose du frêne ou les scolytes), de favoriser la régénération naturelle et de maintenir la biodiversité.
Il existe de nombreux accompagnements pour cela : le CRPF, l’ONF (Office national des forêts), les conservatoires régionaux, les associations de sylviculteurs. Vous pouvez même bénéficier de subventions pour des projets de reboisement écologique, de création de haies, ou de corridors pour la faune.
Car au fond, posséder une forêt, ce n’est pas juste posséder un terrain. C’est hériter d’une partie vivante du territoire, avec ses rythmes, ses équilibres, ses fragilités. C’est une forme de garde temporaire, bien plus qu’un titre de propriété.
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