C’est un mot qui sonne presque mythique : intermittent. Le statut qui permet à des milliers d’artistes, techniciens et créatifs de vivre de leur art sans contrat fixe. En France, ils sont environ 274 000 à en bénéficier selon France Travail. Derrière ce système unique au monde, souvent envié à l’étranger, se cache pourtant un équilibre fragile, entre liberté, précarité et casse-tête administratif. Voici donc les avantages et les inconvénients du « métier » d’intermittent du spectacle.
1. C’est quoi le métier d’intermittent du spectacle ?
Le statut d’intermittent du spectacle n’est pas une profession, mais un régime spécifique d’assurance chômage.
Il s’adresse à ceux qui travaillent dans les secteurs du spectacle vivant, du cinéma, de la télé, de la musique, de l’audiovisuel ou de l’événementiel. Un intermittent peut être comédien, danseur, mais aussi technicien audio, costumier, etc.
Concrètement, un intermittent alterne périodes d’emploi court (contrats de quelques jours à quelques semaines) et périodes sans emploi. L’État compense ces “intermittences” avec une allocation : l’ARE (allocation de retour à l’emploi) spécifique aux artistes et techniciens.
Pour y avoir droit : il faut avoir travaillé 507 heures sur 12 mois dans des structures reconnues (production audiovisuelle, théâtre, festival, etc.) avec des contrats de travail à durée déterminée d’usage (les fameux CDDU).
2. Les avantages pour l’intermittent du spectacle
- Liberté de créer, de choisir, de refuser. C’est sans doute le plus grand luxe du statut : ne pas être enfermé dans un CDI. Les intermittents peuvent jongler entre projets, collaborations, tournées, tournages, résidences… sans rendre de comptes à un patron. Beaucoup y voient une respiration vitale pour leur créativité.
- Un filet de sécurité rare. Là où un freelance classique tombe dans le vide entre deux missions, l’intermittent continue à toucher une indemnisation. En moyenne, 1 200 à 1 400 euros par mois selon le nombre d’heures effectuées. Un système qui permet de survivre aux creux de vague, voire de se consacrer à un projet personnel entre deux contrats.
- Un modèle social unique au monde. Le système français de l’intermittence est souvent cité comme un “joyau de l’exception culturelle”. Créé en 1936, renforcé après-guerre, il incarne l’idée que l’art n’est pas une marchandise comme une autre, et que la société a tout intérêt à protéger ceux qui la font rêver, vibrer, réfléchir.
- Des droits équivalents aux salariés. Protection sociale, retraite, congés maternité ou maladie : les intermittents cotisent comme des salariés classiques, ce qui les distingue des auto-entrepreneurs souvent plus exposés.
- Une reconnaissance institutionnelle. Être intermittent, c’est aussi être reconnu par le milieu : festivals, salles, productions savent que ce statut atteste d’un certain niveau d’expérience et d’implication.

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3. Les inconvénients de ce système
- L’épée de Damoclès des 507 heures. Chaque année, il faut refaire ses heures pour garder le statut. Pas 506, pas 500, c’est vraiment 507. Cette contrainte pousse beaucoup à accepter tout et n’importe quoi : cachets mal payés, déplacements épuisants, conditions précaires… voire à “bidouiller” un peu pour valider son compteur à temps.
- Des revenus en dents de scie. Les mois fastes alternent avec les vides sidéraux. Une série, une tournée ou un festival peuvent faire exploser les heures d’un coup… puis plus rien pendant des semaines. Cela peut engendrer une difficulté à louer un appartement, à obtenir un prêt, à planifier sa vie tout simplement.
- La complexité administrative. Contrats multiples, déclarations, attestations employeur, justificatifs à envoyer à Pôle emploi Spectacle (ex-Pôle emploi Services)… Le système est si complexe que certains intermittents finissent par payer des comptables spécialisés pour ne pas s’y perdre.
- Une concurrence féroce. Le secteur culturel est saturé. Chaque année, des milliers de jeunes sortent d’écoles de cinéma, théâtre, danse ou son. Or les postes sont rares, souvent sous-payés, parfois saisonniers.
- Un système inégalitaire selon les métiers. Les techniciens (son, lumière, image) trouvent souvent plus facilement leurs heures que les artistes (comédiens, musiciens, danseurs). Certains tournent à 250 jours de travail par an, d’autres galèrent à atteindre la moitié. Cette inégalité interne crée des tensions dans la profession.
- La dépendance au subventionné. Sans financement public, la majorité des structures culturelles (compagnies, festivals, théâtres) ne pourrait pas embaucher. Et chaque baisse de budget culturel se répercute directement sur les intermittents.
4. L’intermittence, un système qui coûte cher ?
On l’entend souvent : les intermittents coûtent une fortune à la collectivité. En réalité, c’est plus nuancé. Le régime représente environ 1 milliard d’euros par an, mais il génère plus de 80 milliards d’euros d’activité économique liée à la culture en France (cinéma, festivals, spectacles, patrimoine, etc.). Autrement dit : l’État investit, mais le pays encaisse. Sans les intermittents, pas de Cannes, pas d’Avignon, pas de concerts, pas de télé, pas de cinéma.
Et puis, ce système n’est pas un “cadeau” : les intermittents cotisent plus que les autres (taux de chômage supérieur, absence de prime de précarité, etc.). Le régime repose sur une solidarité interprofessionnelle, un pilier du modèle social français.
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