L’amnésie écologique : non, ce n’est point une maladie. C’est bien plus grave, et elle touche presque toute la population mondiale. Dans ce monde en constante évolution, il est facile d’oublier ce que Dame Nature nous offre abondamment. De fil en aiguille, l’humain oublie aussi à quel point l’environnement change depuis des siècles et des générations. Vous n’avez pas connu le même paysage que vos parents ou grands-parents quand ils avaient votre âge. Mais au moins, saviez-vous à quoi cela ressemblait ou vous vous contentez de vivre seulement dans votre temps ? Ce phénomène insidieux, mais omniprésent, peut vous faire plonger dans un état de méconnaissance croissante de ce qui vous entoure naturellement. À travers cet article, explorez-en les divers aspects. L’amnésie écologique : comprendre, agir et préserver l’environnement
Sommaire
Illustrer l’amnésie écologique simplement
L’amnésie écologique/environnementale se nomme également syndrome de la référence changeante ou « shifting baseline syndrome ». Elle représente une condition où chaque nouvelle génération de chercheurs ou de citoyens considère l’état initial de l’environnement au début de leur vie comme une référence. Ce phénomène se manifeste principalement sous deux formes, à savoir :
- L’amnésie du climat : elle se traduit par la normalisation des phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les vagues de chaleur ou les tempêtes. Le changement climatique en est souvent la cause. Les individus s’habituent donc progressivement à des conditions autrefois considérées comme exceptionnelles.
Prenez l’exemple de Paris. Entre les années 60 et 90, une journée de canicule avec des températures atteignant 35 °C en été était rare, se produisant une fois tous les 5 ans. Depuis 2009, cependant, cette occurrence est devenue annuelle. Ainsi, une personne dans la vingtaine a grandi en voyant ces températures comme normales. En 2021, dans le nord de la France, lorsque les températures n’ont pas dépassé 35 °C, cela a été considéré comme un été « mauvais » alors qu’en réalité, c’était la norme.
- L’amnésie de la biodiversité : cette forme concerne la diminution progressive de la présence ou de la taille des espèces animales et végétales. Elle conduit à une perte de références sur ce à quoi ressemblait autrefois un environnement naturellement riche.
Le domaine de la pêche est un excellent exemple dans ce cas. Avec le temps, les pêcheurs s’adaptent à la diminution des réserves de poissons. Lorsque de nouveaux pêcheurs commencent leur activité, ils héritent déjà d’un stock réduit. Ils le comparent cependant à celui que la génération précédente avait connu.
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Les principales causes de l’amnésie écologique
Philippe J. Dubois, ornithologue et auteur de « La grande amnésie écologique », soutient que cette amnésie tient avant tout au manque de transmission de la mémoire environnementale. Selon lui, les individus ayant un contact intime avec le vivant sont parfois trop accablés par les changements qu’ils observent. Ils oublient alors d’en parler à leurs enfants. Résultat : les éléments constitutifs de l’environnement sont effacés de la mémoire.
Il souligne que le cerveau met constamment à jour sa perception du monde en écrasant les versions antérieures. Si vous ne restez pas attentif aux changements dans la nature et à leurs évolutions, vous risquez rapidement d’oublier ce qu’elle était autrefois. Cette théorie se voit validée par Anne-Caroline Prévot, biologiste, Directrice de recherche au CNRS, chercheuse au Cesco au Muséum d’histoire naturelle. Elle affirme que lorsque les enfants grandissent loin de la nature, ils ont moins de chances de vouloir la protéger par la suite. Elle ne fait pas partie de leur cadre de référence et n’est pas ancrée dans leur mémoire.
Les estimations de l’ONU pour 2050 n’arrangeront pas la situation. Deux personnes sur trois habiteront en ville. La biodiversité et la nature seront alors de plus en plus repoussées pour laisser vivre l’Homme. L’extinction de l’expérience de la nature pourrait ainsi survenir plus tôt que prévu.
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Les impacts et conséquences de cet oubli silencieux
L’amnésie écologique crée un cercle vicieux d’inaction. En s’habituant progressivement aux phénomènes environnementaux extrêmes, les humains perdent la perception de leur caractère anormal. Cela conduit à une inertie tant au niveau individuel que politique. Ces événements inhabituels ne sont, en effet, plus perçus comme nécessitant une action immédiate.
Même en étant conscients du problème environnemental, l’amnésie écologique laisse l’homme démuni pour trouver des solutions. Bien que chacun soit conscient que la situation actuelle n’est pas normale, le manque de points de comparaison pour définir un objectif clair s’avère handicapant. La raison est simple et effroyable : l’humanité n’a jamais expérimenté un environnement fonctionnant normalement.
Philippe J. Dubois exprime des préoccupations alarmantes quant aux conséquences de l’amnésie environnementale. Il souligne que cette condition rend insensible à la détérioration de nos liens avec le monde naturel. Cela affecte ainsi considérablement le bien-être des hommes à travers le globe. Tant que vous vivrez, vous aurez besoin de la nature pour votre équilibre et votre « mieux-être ».
Enfin, cette amnésie freine également la possibilité de changement. Si les communautés ignorent l’importance de la dégradation environnementale, les politiques et les institutions ne seront pas incités à agir.
Les solutions à adopter à l’unisson
Pour lutter contre l’amnésie écologique, plusieurs actions peuvent être entreprises à l’unisson. Chacun à son échelle peut contribuer grâce à des méthodes réalisables et relativement simples.
Il s’avère d’abord primordial de réviser les « normales » météorologiques. Compte tenu du changement climatique, il est possible de revoir les définitions de ce qui est considéré comme normal en termes de température. Les normes météorologiques doivent être mises à jour pour refléter les nouvelles réalités climatiques. Les températures moyennes sont de plus en plus élevées, ce qui rend difficile la perception des variations et des changements climatiques significatifs.
Dans la même optique, il se révèlecrucial d’adapter le langage météorologique. Chacun peut ajuster son langage pour refléter de manière précise la météo. Plutôt que de qualifier la météo de « belle » ou « mauvaise », il est préférable d’utiliser des termes descriptifs tels que « ensoleillée », « pluvieuse » ou « venteuse ». Cela permet de décrire objectivement les conditions sans les juger selon des critères subjectifs.
Renouer avec la nature : une habitude d’ordre prioritaire. Il est primordial de rétablir le lien avec ce qui vous entoure : la faune et la flore. Redécouvrez leur importance dans vos vies. Que ce soit à travers des activités de plein air, des programmes éducatifs ou simplement en passant du temps dans des espaces naturels : « reconnectez-vous avec le vivant ».
Rendre la nature plus présente. Il est nécessaire d’intégrer davantage la nature dans les décisions politiques et dans la vie quotidienne. Cela peut se traduire par des politiques de conservation de la biodiversité ou la création d’espaces verts en milieu urbain. La sensibilisation de la population à l’importance de la nature ne doit pas être en reste. En rendant la nature plus visible et plus présente dans l’environnement quotidien, cela peut sensibiliser les gens à son importance et à prévenir l’amnésie écologique.
Attention à la solastalgie et à l’éco-anxiété
Une fois que vous en pleine conscience de l’amnésie écologique qui touche la majorité de la population, dont vous, vous ne pouvez plus faire machine arrière. Vous allez peut-être vous battre pour mettre à exécution des solutions pérennes. Il se peut cependant que vous passiez d’abord par des phases moins amusantes.
La solastalgie est considérée comme le « mal du siècle », un terme qui a même été intégré dans le rapport du GIEC. Il attire ainsi l’attention des médias du monde entier. Ce concept peut également se manifester dans votre quotidien, que ce soit par des angoisses en évoquant le réchauffement climatique ou l’augmentation de +2 degrés d’ici la fin du siècle. Bien que le terme ne soit pas récent, l’émergence de cette détresse psychologique, associée à un sentiment d’impuissance, suscite des questionnements. Pour le reconnaître, voyez si vous êtes nostalgique à l’idée que l’environnement qui vous est familier se dégrade sous vos yeux. Vous n’y pouvez cependant rien. D’où votre stress en regardant les infos ou en sachant que la COP24 n’a rien donné de satisfaisant.
L’éco-anxiété, quant à elle, ne se limite pas aux sentiments d’impuissance, de tristesse ou de culpabilité. Elle s’associe toujours à l’environnement et aux perturbations climatiques. L’incertitude constitue toutefois son fondement : Comment puis-je envisager mon avenir alors que le réchauffement climatique soulève de nouvelles problématiques non résolues aujourd’hui ? C’est là la source de l’angoisse : l’incapacité de se projeter ou de bâtir son avenir.
Bonne nouvelle : vous êtes sur la bonne voie. Il n’y paraît pas, mais c’est grâce à ces phases que vous allez pouvoir avancer et rendre à la nature sa vraie place dans votre vie et celle de vos proches.
Un défi majeur ?
L’amnésie écologique représente un défi majeur affectant votre perception de l’environnement. Elle compromet aussi votre capacité à agir efficacement pour le protéger. En reconnaissant ce phénomène et en adoptant des mesures pour y remédier, vous pouvez restaurer votre connexion avec la nature. Vous préserverez ainsi sa richesse pour les générations futures.
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