Pour comprendre ce phénomène de micro-sieste communément appelée Inemuri au pays du soleil levant, plongeons dans le contexte. Au Japon, le rythme de vie est intense, parfois presque inhumain. Entre les longues heures de travail, les trajets quotidiens et les engagements sociaux, il est facile d’imaginer que la fatigue accumulée puisse devenir un problème majeur. Pourtant, au milieu de cette frénésie urbaine, un phénomène culturel particulier émerge : l’Inemuri. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas d’une sieste traditionnelle. Explications !
Sommaire
Dissection et définition du terme Inemuri
Le terme Inemuri (居眠り) se compose de deux kanjis : « I » (居), qui signifie « être présent », et « nemuri » (眠り), qui se traduit par « sommeil ». Il décrit l’idée de dormir en restant socialement disponible.
Cela peut se produire dans un bus, lors d’une réunion, ou même au travail. Contrairement aux idées reçues, l’Inemuri n’est pas perçu comme un signe de paresse ou de négligence. C’est une manière efficace de recharger ses batteries sans interrompre complètement le flux de ses activités.
Au Japon, il n’est pas rare de voir des personnes somnoler dans les transports publics ou même pendant des réunions professionnelles. Plutôt que de susciter des critiques, ce comportement est souvent vu comme un signe de dévouement. Il montre que la personne a tellement travaillé qu’elle en est épuisée et mérite une pause temporaire. L’Inemuri représente ainsi un subtil équilibre entre productivité et repos, ancré dans une forte éthique du travail.
Cette forme spécifique de sieste japonaise doit respecter plusieurs critères pour être considérée comme de l’Inemuri.
Le premier critère est qu’elle implique de s’assoupir tout en étant engagé dans une autre activité. Attendre à la gare, boire un café, se détendre sur un banc ou même travailler.
La deuxième est que sa durée doit varier entre cinq minutes et une heure, sans jamais dépasser ce laps de temps. Elle est socialement acceptée dans le milieu professionnel, bien que l’on puisse être réveillé à tout moment si nécessaire. Bien que cette pratique soit utile pour récupérer rapidement, l’idéal serait de ne pas atteindre un tel degré de fatigue nécessitant de s’endormir sur place.
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L’histoire de l’Inemuri
Une pratique ancienne
L’Inemuri n’est pas un phénomène moderne, bien qu’il soit particulièrement visible dans les grandes villes japonaises d’aujourd’hui, comme Tokyo. Son origine remonte à plusieurs siècles, lorsque la société japonaise était fondée sur des hiérarchies rigides et des responsabilités sociales importantes. À cette époque, rester éveillé et engagé était perçu comme une vertu. Cependant, la fatigue due aux longues journées de travail ou d’études nécessitait des moments de repos rapide.
La culture japonaise a évolué avec cette idée selon laquelle il est acceptable, voire nécessaire, de dormir pendant les moments d’inactivité relative. À condition de rester vigilant et prêt à se réengager dès que cela est nécessaire. L’Inemuri était alors un moyen de maintenir une forme de présence symbolique tout en permettant au corps de récupérer.
Les codes sociaux derrière cette culture
L’Inemuri n’est pas simplement une question de dormir où et quand on le souhaite. Il est régi par des normes sociales et culturelles subtiles. Contrairement à une sieste occidentale, où l’on s’isole dans un endroit tranquille, l’Inemuri est un acte public et collectif. Mais tout le monde ne peut pas pratiquer l’Inemuri de la même manière. Par exemple, une personne hiérarchiquement supérieure est davantage en droit de s’assoupir pendant une réunion qu’un employé junior.
Cela reflète la dynamique des relations sociales au Japon, où le respect de la hiérarchie et de l’âge est fondamental. Dormir en public peut être une preuve de responsabilité et de statut social. Plus on occupe une position élevée, plus on peut s’autoriser à lâcher prise. Tout cela en étant compris et respecté. En revanche, un novice ou un junior doit faire preuve d’une vigilance plus marquée, prouvant ainsi sa motivation et son engagement.
Cette dynamique s’illustre également dans les transports en commun. Les cadres, souvent épuisés par leurs longues journées de travail, sont les plus fréquemment vus en train de somnoler dans les trains. Ces scènes sont devenues des images emblématiques des grandes villes japonaises. Le buzz sur ce sujet a d’ailleurs fait le tour des réseaux sociaux il y a quelques années. Cependant, les critiques ont fusé. Or, certaines images montraient juste des citoyens japonais pratiquant l’Inemuri.
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Les bénéfices de l’Inemuri pour la santé mentale et physique : preuves scientifiques à l’appui
De nombreuses études scientifiques corroborent les bienfaits des micro-siestes et du sommeil fragmenté. Bien que l’Inemuri ne soit pas exactement une sieste dans le sens conventionnel, ses effets sont similaires aux siestes courtes ou aux pauses de micro-repos.
Une étude publiée dans la revue Nature Neuroscience montre que de courtes siestes peuvent considérablement améliorer la vigilance et la performance cognitive. En effet, un sommeil de quelques minutes suffit pour restaurer l’attention et améliorer la mémoire à court terme.
Selon une autre étude menée par l’Université de Harvard, les micro-siestes, même de 10 à 20 minutes, peuvent réduire les niveaux de cortisol, l’hormone du stress. Cela peut prévenir le développement du burn-out, un problème de plus en plus fréquent dans les sociétés modernes à rythme effréné. L’Inemuri, en tant que pratique intégrée dans la journée, permet de lutter contre la fatigue chronique et d’éviter les effets négatifs d’un sommeil insuffisant.
L’Université de Californie a publié une étude démontrant que des siestes de courte durée pouvaient améliorer les capacités d’apprentissage et les fonctions cognitives globales. Les chercheurs ont observé des personnes ayant fait une micro-sieste. Ils voyaient leur capacité à résoudre des problèmes complexes augmenter par rapport à celles qui n’avaient pas dormi du tout. L’Inemuri permet ainsi des moments de repos mental qui contribuent à des performances accrues dans les tâches exigeant une concentration.
L’Inemuri peut vous aider à mieux gérer votre stress émotionnel et à maintenir un équilibre psychologique, malgré la pression quotidienne. Ces moments de pause, bien que brefs, permettent de recharger les ressources émotionnelles et de maintenir un état mental stable.
Inemuri vs sieste : des pratiques opposées ?
À première vue, on pourrait penser que l’Inemuri est une simple version japonaise de la sieste. Toutefois, il existe des différences notables entre les deux pratiques. La sieste est une pause clairement définie, souvent réalisée dans un environnement privé ou calme, pour se détendre complètement. En revanche, l’Inemuri est un état transitoire. Vous êtes entre sommeil et veille, prêt à reprendre vos activités à tout moment.
Par ailleurs, la sieste est souvent perçue comme un moment individuel, déconnecté des obligations sociales. À l’inverse, l’Inemuri se déroule dans des espaces publics ou professionnels. Au Japon, il n’y a pas de honte à fermer les yeux quelques minutes pendant une réunion. Cela n’entrave pas la productivité, mais la soutient. Elle permet de récupérer de petites quantités d’énergie pour rester actif plus longtemps.
L’idée même de l’Inemuri souligne une flexibilité culturelle qui va à l’encontre de l’idée occidentale d’une séparation nette entre travail et repos.
Les marins en course solitaire également la pratique. Selon un pratiquant, c’est une habitude à prendre. Sur une sieste classique, vous ne fixez aucune limite. Votre cerveau va ainsi vagabonder et vous allez penser à un milliard de choses. Donc, vous n’arriverez pas à vous endormir assez vite. En déclenchant le chrono, vous allez vous conditionner pour « être efficace ». Dites-vous que 20 mn les yeux fermés en vidant votre esprit sera plus efficace qu’une heure à traîner au lit.
Ce que nous pouvons apprendre de l’Inemuri
À l’ère moderne, où l’épuisement professionnel devient un problème mondial, l’Inemuri offre une leçon précieuse sur l’équilibre entre travail et repos. Voici quelques idées clés que nous pourrions adopter de cette pratique japonaise :
- Réhabiliter le sommeil en public : en Occident, dormir en public est souvent vu comme un signe de faiblesse ou de désorganisation. L’Inemuri nous montre que dormir peut être une stratégie d’adaptation positive pour maintenir un haut niveau de productivité.
- Flexibilité du repos : il est peut-être temps de repenser notre rapport rigide au sommeil. L’idée de pouvoir se reposer tout en étant « présent » pourrait réduire le stress et améliorer la qualité de vie.
- Respect des rythmes personnels : l’Inemuri prend en compte les besoins individuels dans un cadre collectif. Chaque personne a un rythme différent. S’autoriser des moments de micro-repos pourrait améliorer le bien-être général.
- Adapter les environnements de travail : si nos entreprises occidentales intégraient des espaces dédiés à l’Inemuri ou à la micro-sieste, elles contribueraient à réduire le stress et à améliorer la productivité.
Ci-dessous, une vidéo montrant des employés dormir au travail :
Pour conclure…
Le phénomène de l’Inemuri révèle une culture du repos bien différente de celle pratiquée en Occident. Au lieu de voir le sommeil comme une interruption, le Japon l’intègre harmonieusement à la vie quotidienne. Cette pratique pourrait bien contenir des clés pour mieux gérer le stress et la fatigue dans nos propres sociétés.
L’Inemuri n’est pas seulement une manière de dormir, c’est une leçon sur la manière de concilier performance et bien-être. À une époque où le stress professionnel est une préoccupation croissante, peut-être devrions-nous nous inspirer de cette approche.
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