Vous pensez peut-être que votre banque vous “dépanne” quand elle vous laisse passer à découvert. Que ce serait une faveur, un geste de souplesse pour vous éviter les tracas d’un paiement refusé. La vérité est bien moins douce. Ce que votre banque ne vous dit pas, c’est que vous êtes devenu un client rentable dès l’instant où vous entrez dans le rouge. Car non, le découvert n’est pas une anomalie. C’est un produit. Un levier de profit. Et vous êtes loin d’être seul à en faire les frais.
Sommaire
💸 Le découvert autorisé, un modèle basé sur la précarité
En France, selon les données de la Banque de France, environ un quart des Français se retrouvent à découvert au moins une fois par an. Pour certains, c’est occasionnel. Pour d’autres, c’est chronique. Et dans ce cas, cela peut représenter plusieurs centaines d’euros chaque mois passés sous la ligne de flottaison.
Chaque fois que cela se produit, la banque applique des intérêts. Officiellement appelés “agios”, ces frais varient selon les établissements, mais peuvent atteindre 20 % en taux annuel effectif global (TAEG).
À cela s’ajoutent les frais de dépassement, facturés quand vous dépassez le découvert autorisé : de 8 à 20 euros par opération, parfois plus. Si l’on cumule tout, un client à découvert peut se voir ponctionner des dizaines d’euros par mois, simplement pour avoir voulu régler son loyer ou ses courses en fin de mois.
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💸 Les frais bancaires, une machine bien huilée
Ce que vous ne voyez peut-être pas, c’est que ces petites sommes isolées représentent une mine d’or pour les banques. Selon le rapport 2023 du CCSF (Comité Consultatif du Secteur Financier), les frais liés aux incidents de paiement, dont font partie les découverts, les rejets de prélèvement, les commissions d’intervention, rapporteraient chaque année plus de 6 milliards d’euros aux banques françaises.
Ce chiffre est vertigineux. Et il repose presque exclusivement sur les ménages les plus fragiles. Une étude de l’UFC-Que Choisir révélait que 20 % des clients les plus précaires génèrent plus de 80 % des frais d’incidents bancaires. Autrement dit : ce ne sont pas les clients les plus riches qui font tourner la boutique, ce sont les plus vulnérables. Ceux qui payent des frais pour survivre.
💸 Le “client captif” : un profil parfait
Et ce n’est pas un hasard. Car les clients souvent à découvert sont, pour les banques, des clients captifs. Ils n’ont pas le luxe de comparer les offres, de changer d’établissement, de négocier des services. Ils subissent, ils payent.
Et ils recommencent. Cette inertie est d’ailleurs renforcée par la complexité des démarches bancaires : changer de banque, transférer ses prélèvements, ouvrir une nouvelle ligne de crédit… c’est long, c’est technique, et c’est dissuasif pour quelqu’un déjà en difficulté financière.
Certaines banques ciblent même ce profil dans leurs offres les plus “accessibles” : pas de conditions de revenu, carte à autorisation systématique, frais fixes… mais un découvert non autorisé quasi inévitable dès que les comptes sont serrés. Et les frais tombent, comme une pluie fine. Invisible, mais continue.
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💸 Un crédit déguisé… sans encadrement clair
Le plus cynique, dans tout cela, c’est que le découvert est une forme de crédit. Pourtant, il échappe à la plupart des règles du crédit à la consommation. Pas de délai de réflexion, pas de fiche standardisée d’information, peu de transparence sur les taux effectifs. Et surtout, pas de vérification approfondie de la capacité de remboursement.
C’est un produit bancaire qui génère une dépendance : vous êtes à découvert un mois, puis deux, puis six. À force, le solde négatif devient votre niveau de base. Vous n’êtes jamais “en positif”, vous êtes juste “moins dans le rouge”. Cette situation a un nom : le découvert chronique. Et pour en sortir, il faut souvent… contracter un crédit classique pour couvrir le trou.
💸 Des mesures qui changent peu de choses
Certes, il existe un plafond légal pour certains frais. La loi impose, par exemple, un maximum de 25 euros de frais mensuels pour les clients “fragiles” identifiés comme tels (offre spécifique clients fragiles, ou OCF). Mais encore faut-il que la banque vous y inscrive, ce qui n’est pas automatique.
De nombreux clients éligibles ne sont jamais informés de leur droit à cette limitation. Résultat : ils continuent à payer plein tarif, parfois sans même savoir que ce n’est pas normal.
L’État a beau pousser à plus de transparence, la réalité reste brutale : les frais bancaires sont l’un des postes de revenu les plus stables et les plus simples à encaisser pour les banques. Il n’y a pas de risque. Juste des clients piégés.
💸 Le vrai scandale : on s’y habitue
Le plus inquiétant, c’est peut-être que cette situation est devenue banale. Entrer dans le rouge est perçu comme une fatalité. Payer des agios est vécu comme une norme. On intègre la violence financière comme on accepte une mauvaise météo : “c’est comme ça”. Mais ce n’est pas une fatalité. Ce n’est qu’une stratégie commerciale, froide, calculée, et maquillée sous des discours de proximité et de bienveillance client.
Certains établissements, notamment les banques en ligne, proposent des alternatives : zéro frais en cas de dépassement ponctuel, alertes automatiques, outils de gestion budgétaire. Mais elles restent minoritaires. Et souvent, ces offres ne sont pas accessibles à ceux qui en auraient le plus besoin.
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